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    24 mai 2013

    Excellent roman policier atypique. Atypique parce qu'il ne se focalise pas sur une seule personne ni sur une seule enquête. C'est la vie quotidienne de l'unité d'intervention dirigée par Anna, la Flexi et la vie quotidienne des gens qui y travaillent. Le fil rouge est bien sûr les agressions envers les prostituées, l'intrigue qui file tout au long du livre et qui prend une grande partie du temps des intervenants. Mais il y a aussi la rencontre d'Anna avec Ezra, un vieil homme attachant qui se fera tuer et dépouiller, une manifestation d'orangistes (Irlandais protestants) en plein coeur de Glasgow. Néanmoins, la part belle est faite aux relations entre les personnages : l'ambiguïté entre Anna et Jamie, son ex-petit ami, l'animosité entre Anna et Jenny, la policière sous ses ordres, réticente à toute remarque venant d'elle, ...

    Karen Campbell s'intéresse à tous ses personnages, même les seconds rôles, comme Billy Wong, le jeune flic d'origine asiatique, dont on aimerait bien qu'il intègre son équipe. Elle développe plus les caractères d'Anna, de Jamie et de Cath, sa femme et de quelques autres. On sait presque tout de la pauvreté sentimentale d'Anna, du couple de Jamie et Cath qui part en vrille après la naissance de leur fille et des interactions du travail sur la vie privée et inversement. Elle ne tente pas de nous rendre tel ou tel sympathique, elle n'omet pas ses défauts, comme la tendance à l'emportement d'Anna ou son égoïsme, ou la déprime de Cath, son laisser-aller, ...

    On est à la fois en plein coeur du commissariat et en plein coeur des vies des flics, et c'est une très bonne nouvelle, ça fait de ce roman plus qu'un roman policier parmi d'autres. Je n'ai rien contre le genre policier, mais il arrive parfois qu'on tombe sur un livre de ce style qui ne laisse place qu'à l'intrigue au mépris des personnages ou d'une certaine réalité. Pourquoi pas, il en faut pour tous les goûts, et si c'est bien fait, je ne dis pas non a priori. Là, on est en plein réalisme, en plein dans les quartiers chauds de Glasgow avec les descriptions des lieux, parfois sordides, des gens qui y vivent dans la misère, des gens qui y travaillent, des camés, des dealers, des prostituées, ... Le langage adopté sonne juste également, entre familiarités, argot, langage un peu plus soutenu pour d'autres scènes, l'auteure joue avec les différents registres. Le fait qu'elle écrive autant sur ses personnages pourrait me faire dire qu'on est dans un polar social, sociétal ou dans un roman plus classique avec une intrigue policière en toile de fond. Un peu comme dans Furioso, un livre que j'avais beaucoup aimé pour les mêmes raisons, ou comme dans certains polars nordiques dans lesquels les personnages ont une vraie importance, presqu'une vraie vie, mais les horreurs des meurtres en moins, car là, Karen Campbell nous évite le serial killer, l'hémoglobine et les descriptions détaillées des victimes. On pourrait résumer son livre ainsi : de l'humain, beaucoup d'humain et une grosse pointe de policier pour lier le tout, ou vice-versa, mais avec toujours beaucoup d'humanité.

    Karen Campbell est une ancienne flic qui écrit là son premier roman débutant ainsi une série selon l'éditeur, que je suivrai très très volontiers. Vivement la suite.

    Le livre débute comme ceci (mis à part un mini prologue) : "C'était le temps idéal pour ça. Le vent avait retourné le ciel comme un gant et, par là-dessus, une petite averse avait fini de tout nettoyer. La journée s'annonçait belle.

    A toi de jouer ! Anna aurait pu voir son sourire se refléter dans ses chaussures qui slalomaient entre les flaques. Quel éclat... Elle était si absorbée qu'elle ne vit rien venir. La fanfare stridente d'un klaxon à l'italienne la força à regagner précipitamment le trottoir. Le conducteur, presque couché dans sa Sinclair C5, secoua la tête et passa en trombe." (p.13)


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    14 avril 2013

    Chardons ardents.

    Romancière écossaise que je ne connais pas, mais il est vrai que je connais peu la littérature écossaise ! Le titre n'annonce rien de très moral, ni réjouissant ! Certains trottoirs partout dans le monde sont comme l'enfer pavé de mauvaises intentions !
    Le moins que l'on puisse dire est que l'arrivée d'Anna Cameron à la tête de la brigade d'intervention rapide chargée du Drag, quartier chaud de Glasgow, ne déclenche pas l'enthousiasme de ses collègues masculins ! Et c'est un euphémisme ! Et parmi ceux-ci, Jamie Worth, son ancien compagnon, maintenant marié et père de famille. Comme en plus certains membres de cette brigade ont un sens de la légalité on ne peut plus élastique, bonjour l'ambiance !

    En plus sa première patrouille se termine avec le nez en sang et l'arrestation d'un des plus gros proxénètes du quartier ! Beau début, mais la pègre locale risque de lui en tenir rigueur.
    De graves incidents ont lieu ; des prostituées sont sauvagement lacérées, mais malgré tout cela, la loi du silence est la plus forte !
    Les filles parlent entre elles et le nomme "Le Balafreur", la peur s'installe, car le motif semble flou. Un obsédé sexuel, ou un autre motif ?
    Un vieux juif polonais, ancien combattant, est retrouvé mort. Anna s'en veut, mais pourtant que pouvait-elle ? Surtout qu'il na pas été que tabasser à mort ! Bizarrement Cath, l'épouse de Jamie Worth, le connaissait elle aussi ! Ce vieil homme avait vécu lui au moins....mais la mort subite d'une petite fille de six jours, là c'est le sommet du boulot qui marque!
    En plus des problèmes de travail se greffent des vies sentimentales compliquées et d'aventures sans lendemains, le tout venant sordide d'un commissariat avec son lot de misère et d'horreur.
    Des personnages de tous les jours, pas de super héros, des policiers de base baignant dans la violence ordinaire engendrée par la misère ambiante, avec son corollaire de drogues, de prostitutions et autres racismes, le quotidien !
    Par petits bribes, Anna va découvrir une vérité pour le moins dérangeante!
    Et un autre problème inquiétant se profile, les paramilitaires protestants d'Irlande du Nord tentent de s'implanter en Écosse...
    Sergent Anna Cameron commence bien mal dans sa nouvelle affectations, les premiers coups sont pour elle, et ils sont nombreux. Pas facile pour une femme de terrain d'être clouée sur un lit d'hôpital, et d'avoir des visites qui ne sont pas celles espérées ! Martin, son amant tiraillé entre elle, son épouse et son chien, repoussant les rendez-vous de manière systématique!
    Jamie, pas très heureux en ménage, s'occupe d'un club de football plus souvent qu'il s'occupe de Cath son épouse, celle-ci a démissionné de la police et parfois elle le regrette ! Elle se demande comme elle a pu rater sa vie à ce point, sa fille lui semble un fardeau énorme ! Mais reprendre du service en binôme avec l'ancienne petite amie de son mari, est-ce vraiment la solution ?
    Beaucoup de policiers bien sûr, chacun avec plus au moins de succès, plus ou moins de bonne volonté œuvrant pour le bien de la société, mais aussi parfois pour leur bien personnel. Cruikshanks, flic à l'ancienne désabusé, il a l’impression que les coupables sont plus défendus que les victimes dans le monde moderne!
    C'est noir c'est vrai, mais c'est surtout fortement humain : tous ces hommes et femmes avec leurs lâchetés, leurs compromissions, avec leurs vies et leur travail. Les problèmes sexuels de tout un chacun sont clairement exposés, ainsi que les mesquineries présentes dans toute équipe de femmes et d'hommes souvent contraints et forcés de collaborer, malgré des haines parfois tenaces.
    Rien n'est vraiment blanc, cela on le savait, mais le noir peut être profond, glauque et insoutenable ! Un excellent roman sur les ravages de la société capitaliste et ses très nombreux dommages collatéraux.