Conseils de lecture

18,50
Conseillé par (Libraire)
4 décembre 2022

Quand Proust change ta vie

Clara s'ennuie un peu dans le salon de coiffure où elle travaille. Il faut dire que là où il est placé, les clients ne se bousculent pas. Lorsque ce jeune homme très éloigné de sa clientèle de vieilles dames habituelle part en oubliant son bouquin, il est trop tard pour lui courir après et lui rendre. Las, elle le ramène chez elle et quelque temps plus tard, un dimanche après-midi où elle s'ennuie encore, elle se décide à l'ouvrir. Première page "Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais le temps de me dire "je m'endors'".
Elle continue après cette phrase vaguement connue, presqu'un slogan publicitaire. Et puis d'autres phrases, qui lui parlent un peu, l'agacent ou qu'elle ne comprend pas...; des "mots comme des fourmis alignées". Mais Proust est là, et ne la lâchera plus. Et le lendemain, lorsque sa collège lui demandera ce qu'elle a fait de sa journée, elle s'étonnera de penser qu'elle l'a passé avec un type qui ne quitta plus son lit, écrivit un livre avec des phrases interminables, et qui pour une raison qu'elle ne comprenait pas encore très bien, allait changer sa vie.
Quel joli livre et comment ne pas avoir envie de se précipiter sur cette maligne introduction à la lecture du grand Marcel. Comment ne pas reconnaître ce pouvoir incroyable de la littérature que nous sommes nombreux à avoir vécu. Et oui, parfois, un livre change votre vie. Et Proust n'est pas ce monument qu'on aimerait bien visiter tout en se disant que malheureusement, le ticket d'entrée est trop cher pour nous. Et si madeleine et horaire du coucher tiennent du slogan, hé bien n'oublions pas que nous avons tous du Proust en nous, et que nous sommes en Proust.


1

Le Lezard Noir

19,00
Conseillé par (Libraire)
3 décembre 2022

Cuisine et fantaisie

Un izakaya est une sorte de petit boui-boui, ouvert entre minuit et sept heures du matin, ou on sert au client ce qui lui fait envie.
Même au Japon, les chats la nuit, ne sont pas tous gris et ceux qui poussent la porte de la cantine de minuit viennent chercher bien plus qu'une soupe miso. Le client propose, et le chef cuisine avec ce qu'il a sous la main (et le lecteur se pourlèche les babines). Le petit monde de la nuit, étudiants, stripteaseuses après fermetures, yakusas et policiers, insomniaques de tous genres ce retrouvent dans cette cantoche, pour partager plus qu'un petit repas. Un plat qui réveille un souvenir d'enfance chez un yakuza inquiétant, un curry, une rencontre, des amours naissantes se croisent et se décroisent sous le regard nonchalemment bienveillant du propriétaire-cuisinier-confident.


20,00
Conseillé par (Libraire)
3 décembre 2022

Oraison funèbre

Il y a, dans la famille du narrateur, comme un silence, une absence, des photos rangées dans une boite à chaussure "qu'on ne laisse jamais ouverte" très longtemps. Lorsqu'il demande à son père quel est le plus lointain voyage que celui-ci ait fait, la réponse l'étonne, Amsterdam. Pourquoi Amsterdam ? "Pour aller chercher ce gros con de Désiré". Réponse lapidaire, taiseuse qui cache des monceaux de chagrin et de secrets.
Dans cette famille installée dans l'arrière-pays niçois, on est boucher de père en fils, commerçants prospères et respectés, durs à la tâche et travailleurs, on tient son rang. Désiré (ce nom !) est l'ainé, le préféré, celui qui a fait ses études à Nice. Il travaille chez le notaire du bourg. Prestige et fierté. Alors quand il revient les yeux trop cernés de ses week-ends de bringue à Nice, on ferme les yeux. Et quand il commence à manquer de l'argent dans la caisse, on botte en touche. Désiré, l'air de rien, sans d'abord se départir de son aura de fils chéri, s'enfonce doucement dans l'héroïne, de plus en plus maigre, et de plus en plus livide. Le fils prodigue se marie, a un enfant. Le couple s'enfonce dans la dope, et lorsque ces deux-là commencent à tomber malades sans que l'on sache trop d'ou viennent ces pneumonies et ces taches sur la peau, notre coeur de lecteur se serre. On est dans les années 80, et nous savons que le SIDA se développe à vitesse fulgurante, nous savons que l'ignorance et la peur ont condamné des malades à mourir seuls, comme des pestiférés. Les parents de Désiré, malgré un déni obstiné (notre fils ne peut pas avoir attrapé cette maladie) l' accompagneront jusqu'au bout, sans jamais lui lâcher la main, partageant avec le corps médical la détresse liée à l'impuissance; Et pourtant, simultanément et dans tout le roman, en chapitre alternant, se déroule l'incroyable fil de l'identification du virus par les épidémiologistes, et la course effrénée avec les équipes américaines pour être les premiers à trouver un vaccin. Des premières apparitions d'une maladie nouvelle et dévastatrice jusqu'à la mise au point des trithérapies, Anthony Passeron déroule le fil d'une épopée scientifique.
Avec ce premier roman, Anthony Passeron en entre-mêlant une chronique familiale tragique et bouleversante avec un quasi thriller scientifique réalise une entrée assez fracassante dans notre paysage littéraire.


Claire Oshetsky

Phébus

21,00
Conseillé par (Libraire)
2 décembre 2022

Ce que c'est qu'être mère

Tiny et son mari attendent un enfant. Dès les premiers mois de grossesse, Tiny en est certaine, ce bébé ne sera pas un enfant-chien tel que l'espère son mari, un de ces mômes qui se fondra dans la masse et correspondra en tout point aux attentes que nourri déjà son père à son sujet. Oh que non... Ce sera un enfant-chouette, avec des serres crochues, un bec pointu, un ventre de plumes. Lorsque Chouette/Charlotte nait, Tiny endosse résolument son nouveau rôle de mère et tout ce qu'il comporte de sacrifice de soi, de persévérance, d'épuisement, d'incompréhension et d'amour inconditionnel. Même lorsque sa fille lui laisse des cicatrices sur tout le corps, même lorsqu'elle hurle et piaille tout le jour, même lorsque la maison devient un capharnaüm sans nom où vivent musaraignes, serpents et souris qui nourrissent son bébé. Le père, lui, s'installe au-dessus du garage, refuse de présenter sa fillette à la famille et se renferme sur lui-même. Jusqu'au jour où lui vient l'obsession de transformer Chouette en enfant-chien. Entre Tiny et lui s'engage une lutte profonde.
Ce roman bouleversant pose la question de la normalité et de l'acceptation ou non de la différence lorsqu'il s'agit des enfants dont nous avons fantasmé la venue. Qu'arrive-t-il lorsque celui-ci ne correspond pas à l'idée que nous nous en sommes fait ? Comment aimer et prendre soin d'un être que l'on ne comprend pas ? L'autrice, elle-même maman d'une fille neuroatypique à l'enfance particulièrement difficile s'est inspirée de son expérience et, avec la bénédiction de son enfant aujourd'hui devenu adulte, nous plonge dans les tourments intérieurs de son héroïne, prête à tout par amour. Une écriture d'une immense poésie.


21,00
Conseillé par (Libraire)
17 novembre 2022

ça sent le roussi !!

Que feriez-vous si vous barbotiez dans une vie maussade avec un job insignifiant, peu de ressources et que vous viviez encore chez votre mère, si l'opportunité de vivre dans un palace tous frais payés se présentait ? Encore plus si l'invitation provenait de votre meilleure amie à qui tout a réussi dans la vie (notamment grâce à un sacrifice de votre part) et que vous admirez désespérément ? A priori, vous fonceriez. C'est en tout cas ce que fait Lillian, à l'appel de la belle et riche Madison, qui lui offre un travail grassement payé mais un peu particulier : devenir la gouvernante des jumeaux de son mari issus d'un premier mariage et âgés de dix ans. Le mari en question brigue les plus hautes responsabilités politiques, se rêve en futur président des Etats-Unis et n'a vraiment pas que ça à faire. Il faut trouver une nounou, de préférence discrète. Rien de bien compliqué ? On a oublié de préciser un détail. Quand ces charmants mômes sont contrariés, ils prennent feu. Alors, vous l'accepteriez toujours, ce job ? Parfaitement divertissant, on a adoré ce roman qui a pour atout, en plus de nous faire rire, de nous présenter des personnages moins clichés que ce que l'on pourrait penser. Au top !