Yv

http://lyvres.over-blog.com/

Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Conseillé par
7 mai 2015

Avant d'écrire mon article, je suis allé relire mes précédents billets concernant les livres de Gilles Vincent : Beso de la muerte et Trois heures avant l'aube. Et je ne peux que constater mon intérêt monter en puissance. Là encore, Gilles Vincent m'a scotché. Son roman est terrible, il fait peur et donne des frissons parce que La Hyène (le méchant) s'attaque aux enfants. C'est ignoble bien sûr, mais on sait aussi malheureusement que ce type de prédateurs existe, les journaux en parlent régulièrement. Dès lors, pourquoi ne seraient-ils pas dans des romans noirs ? Ce n'est pas une lecture reposante. Ce n'est pas un livre qu'on oublie à peine refermé. D'abord à cause du thème bien sûr, mais aussi grâce à la construction du roman, à son rythme et à sa violence. En tant que lecteur, on passe par pas mal d'émotions parfois contradictoires ; ce qui ne change pas du début à la toute fin, c'est l'impossibilité de lâcher cette histoire. Je ne m'appesantirai pas sur l'intrigue, par peur d'en dévoiler trop (à ce propos, vous pouvez lire la quatrième de couverture, car chez Jigal on les fait sobres, qui ne font rien deviner).

J'aime chez Gilles Vincent l'équipe qu'il a constituée au fil de ses romans : Aïcha Sadia, la commissaire, Sébastien Touraine, son compagnon, détective privé avec qui elle travaille étroitement, Théo Mathias le légiste, ami des deux premiers ; voilà pour les personnages les plus influents, très bien secondés par des flics aguerris et soudés. Ils tâtonnent, se trompent, reviennent en arrière, s'engueulent parfois, agissent de temps en temps en dehors de la légalité, se font violence pour ne pas y céder trop souvent. C'est ce qui prime chez l'auteur, les rapports humains, même d'ailleurs entre les gangsters et les flics, ou ici entre le psychopathe et l'un des membres de l'équipe des enquêteurs.

Gilles Vincent est en train de bâtir une série de romans noirs absolument bluffante et excellente, avec des histoires fortes et des personnages attachants et très réalistes. Ce qui est très bien aussi, c'est que bien que je retrouve les mêmes protagonistes, je n'ai pas la sensation de relire le même roman, à chaque fois, l'auteur réinvente une histoire et même une construction de cette histoire. Très bon point, il n'y a rien de pire que l'ennui dans un polar.

PS : ce roman est une version ré-écrite et complétée d'un roman paru en 2009 chez Timée, sous le titre Sad Sunday. Il se situe avant Parjures, paru chez Jigal. Je précise, mais c'est juste pour la forme, je n'ai pas lu tous les romans de l'auteur (il me manque justement Parjures et un autre, Djebel) et ça ne gêne en rien la bonne compréhension, mon enthousiasme plaide pour moi.

Anne-Marie Métailié

10,00
Conseillé par
7 mai 2015

Il n'est pas très évident de se retrouver dans les premières pages de ce roman si l'on ne connaît rien du Brésil ou de la canne à sucre, j'avoue avoir été un peu perdu, et puis les explications viennent et les différentes informations font sens. Et là, force est de constater que le contexte est exotique et miséreux. Les ouvriers triment pour des salaires qui ne couvrent pas leurs frais, ils ne peuvent pas revendiquer, sont tenus à l'écart, ce n'est pas de l'esclavage proprement dit, mais on n'en est pas loin. Hubert Tézenas décrit bien les conditions terribles, mais aussi les magouilles des exploitants pour tirer toujours plus de profit. La canne à sucre a été un produit qui a fait leur richesse, mais elle n'est plus aussi rentable dans la fin des années 1980. La société brésilienne est ultra violente, un assassinat ponctue une tentative de dénonciation des méthodes des producteurs de canne à sucre, personne ne s'en émeut, sauf quand même un soldat de la police militaire et un journaliste. Alberico Cruz, le témoin accusé du meurtre ira quelques jours en prison, subira des brimades et des violences extrêmes, les prisonniers sont entassés dans une pièce à la merci d'un caïd qui manipule les gardiens et les flics.

Hubert Tézenas alterne deux narrateurs, celui qui est décrit à la troisième personne, Alberico Cruz, qui veut absolument faire la lumière sur l'histoire à laquelle il est mêlé, c'est lui qui en quelque sorte mène l'enquête du roman, et celui qui dit "je", Kelbian Carvalho, le fils héritier violent et incontrôlable. J'aime assez cette idée de nous faire voir par l'œil du "méchant" plutôt que par celle de l'accusé à tort, ça donne un côté encore plus noir au roman.

Dans cet état du Pernambouc, dans les petites villes loin de la capitale locale Recife, le décor est triste, et les conditions de vie horribles. Il est dur d'y survivre. Le roman d'Hubert Tézenas est noir, très sombre et poisseux, un roman hard-boiled dit-on qui rend compte d'une réalité sociétale : gangstérisme, corruption, mafia, meurtres, course à l'argent et au profit. Un premier roman très réussi et très prometteur qui se lit sans en perdre une miette et qui a eu l'avantage de me plonger dans un monde inconnu, celui des plantations de canne à sucre et du Brésil pauvre, loin des plages de Copacabana ou d'Ipanema.

Les enquêtes du généalogiste

Dan Waddell

Actes Sud

9,20
Conseillé par
7 mai 2015

Mademoiselle ma fille a lu ce roman policier l'été dernier puis me l'a passé en me conseillant fortement sa lecture. J'ai acquiescé et posé l'ouvrage sur ma table de chevet, vite recouvert par d'autres livres tout aussi intéressants... ou pas d'ailleurs. Comme cette demoiselle revenait à la charge régulièrement et plus fortement ces derniers jours, j'ai obtempéré, que voulez-vous on n'est plus le maître chez soi... tout se perd ma pauv'dame, même le respect des parents...

Du coup, j'ai lu et j'ai bien aimé ce premier tome d'une série qui en compte au moins trois. Je passe vite sur quelques longueurs qui font que j'ai sauté quelques paragraphes pour dire tout le bien que je pense de ce roman. Le trio d'enquêteurs fonctionne bien, Grant Foster en tête, flic bourru, désabusé et acharné, Heather Jenkins, la jeune policière motivée et opiniâtre qui a la merveilleuse idée de faire appel aux talents de Nigel Barnes, généalogiste chevronné absolument pas habitué aux scènes de crime -et qui va un peu morfler de ce côté-, plus à l'aise dans les bibliothèques ou les archives. Tous les trois ont une vie, un passé qui nous sera expliqué par bribes, au moins pour les deux garçons. Les recherches sont minutieuses, captivantes même si l'on ne connaît pas le Londres actuel ou le Londres du XIX° siècle ; elles obligent à une certaine lenteur et permettent d'installer doucement mais sûrement le suspense.

Je passe aussi sur les pressions de la presse sur Nigel pour obtenir des scoops, sur la jalousie d'un confrère qui n'imagine son métier que pour flatter l'ego de certaines personnes publiques -un tour de passe-passe et d'un ancêtre paysan on en fait un bourgeois ou un personnage qui a compté- ou pour faire du fric facilement. La presse, la police sont malmenées, tant celles de 1879 que les contemporaines.

L'intrigue est bien menée, parfaitement maîtrisée quasiment jusqu'au bout, et franchement je ne m'attendais pas à cette fin, à plusieurs niveaux. Au moins une double surprise qui me ravit et qui ne peut qu'emballer le lecteur.

Alors, je me dois ici de remercier vivement mademoiselle ma fille de son bon conseil en matière de lecture, et je dirais même plus, je me lirais bien les suivants maintenant, le deuxième existe également en poche Babel noir (Depuis le temps de vos pères) et le troisième est sorti en 2014 au Rouergue (La moisson des innocents).

Conseillé par
7 mai 2015

Ce roman débute avec une présentation de Tom, un peu comme JP Jeunet présente son Amélie Poulain, ça m'a fait le même effet entre drôlerie et grande tendresse ; le livre entier respire la même joie de vivre que le film. C'est léger, tendre, décalé, drôle, néanmoins, les thèmes de la différence, de la difficulté de s'intégrer dans la société sont très présents. Ils le sont pour Tom bien sûr ou pour Palma, une jeune fille elle-même isolée tant par sa personnalité que par son milieu social défavorisé que par son ascendance directe d'immigrés portugais -une histoire de nos jours ferait d'elle sans doute une Fatima ou une Yasmina. Ils le sont également pour Pauline, femme au foyer dans les années 60 dans lesquelles elles viennent tout juste de gagner leur droit à travailler, à gérer leurs biens et à ouvrir un compte en banque (réforme du régime matrimonial de 1965 !) qui rêve de sortir de chez elle et de travailler. Le couple subira quelques tourments suite à cette décision, à l'incompréhension de Serge et à sa chute professionnelle en même temps que l'ascension de Pauline. Tom, en Super Héros qu'il est voit et entend tout cela. C'est alors qu'il va tout faire pour tenter d'arranger les choses autour de lui, c'est sa mission en tant que Tom L'Éclair.

Il est bath Tom, je l'aime bien, c'est un personnage que le lecteur aura du mal à oublier. A petites touches, Paul Vacca nous décrit son isolement, ses rites, ne dit jamais le mot d'autisme, mais on le comprend très vite (même si comme moi, vous ne lisez que rarement les quatrièmes de couvertures), il nous écrit son quotidien, ses relations aux autres, la société de 1968 en grand chamboulement, le progrès technique déboule en masse dans les maisons, les moeurs évoluent. Et puis, quel plaisir de ne pas avoir à toutes les pages des envois de textos, des courriels, des appels en pleine rue...

Un roman bourré de charme, rafraîchissant à mettre entre toutes les mains, un pur moment de bonne humeur. Je ne vais pas rajouter d'adjectifs, j'aurais pu avec un dictionnaire des synonymes : adorable, élégant, séduisant, gai, plaisant... (ah si je l'ai fait), franchement, croyez-moi sur parole, c'est un livre pour vous, je le sens, je le sais. J'ai pu lire déjà que certains lui reprochaient une fin un peu ratée, parce que pas crédible, je m'insurge car le parti-pris de ce genre d'œuvres, tant littéraires que cinématographiques, c'est d'avoir une happy-end : imagine-t-on Amélie Poulain vivre sous les ponts et mourir dans d'atroces souffrances ? Non bien sûr ! Alors, vive Tom L'Éclair.

J'ai tout lu (enfin presque) de Paul Vacca :La petite cloche au son grêle, Nueva Königsberg, La société du hold up, et j'ai tout aimé, et vous le constatez, je continue à tout aimer.

Didier Fossey

Flamant Noir Editions

Conseillé par
7 mai 2015

Un polar hyper réaliste écrit par un ancien flic de la B.A.C parisienne, c'est dire si on est en compagnie d'un auteur bien renseigné. La police française, c'est beaucoup de sigles (expliqués en bas de pages), beaucoup de services aux diverses prérogatives, beaucoup d'hommes et de femmes même si le sous-effectif se fait cruellement sentir. Hormis l'enquête, fort intéressante au demeurant, Didier Fossey écrit la réalité des flics français : les heures infinies, les ouiquendes et vacances difficiles à prendre, les vies de familles qui partent en vrille parce que le travail empiète sur la vie privée, les conjoint(e)s et les enfants qui n'en peuvent plus de vivre seuls et les policiers qui ne s'en rendent pas forcément compte puisqu'ils ont toujours le nez dans le guidon. Lorsqu'ils prennent conscience que ce boulot leur a pris une partie de leur vie, il est souvent trop tard. Guillaume s'est fait largué, Boris Le Guenn est en difficulté avec Soizic son épouse, d'autres sont célibataires parce qu'ils n'ont pas voulu ou su s'engager dans une relation. La fiction de Didier Fossey l'est dans son intrigue mais les conditions de vie sont assez proches de celles qu'on peut nous décrire dans tels ou tels livre ou émission sérieux (une mention spéciale, hors concours, pour la personne d'Hélène Guillemin, commandant de gendarmerie, sans doute la plus fictive -voire rêvée- des intervenants du roman qui marquera durablement tout mâle lecteur, à moins que Didier Fossey n'ait rencontré dans sa vie une gendarme aussi... atypique et sexy).

L'écriture est directe, simple, rapide, la construction du roman itou : petits chapitres alternant les narrateurs, les points de vue, le lecteur avance plus vite que les enquêteurs puisqu'il sait quasiment tout des activités des gangsters et des flics. C'est un roman pas très long (290 pages) et très dense, rien n'est superflu, Didier Fossey va à l'essentiel, il détaille les procédures, cause hiérarchie et carrière sans que cela ne nuise au rythme ou à l'intérêt ; aucun passage n'est plus-ni moins-marquant qu'un autre d'où mon manque de citation (j'aurais pu citer la description de la commandant Guillemin, mais si j'insiste je vais passer pour un obsédé, alors je donne les pages, mais c'est tout : 229/230), l'écriture et la lecture sont égales de bout en bout donc, point de temps mort, un peu d'adrénaline sur la fin, comme tout polar qui se respecte et surtout, une envie folle de savoir ce que deviennent tous les protagonistes, voire de les retrouver pour d'autres enquêtes.

Un roman policier atypique parce que très proche de la réalité, très loin donc des polars "fantasmés". J'aime les deux genres, surtout lorsqu'ils sont servis par une belle maison d'édition indépendante comme celle qui édite Didier Fossey, Flamant noir.