Gouverner au nom d'Allah
Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe
De Boualem Sansal
Folio
Un livre courageux
Petit ouvrage de 180 pages très pédagogique, facile à lire, en lien avec l’actualité, explique dans une première partie les divisions religieuses au sein du monde musulman qui est loin d’être un bloc monolithique de croyances et pratiques, puis aborde les raisons structurelles et conjoncturelles qui poussent les sociétés musulmanes vers le projet politique de l’islamisme. Je vous conseille particulièrement le chapitre 4 sur les vecteurs de l’islamisme. C’est un livre sans concession, forcement subjectif car l'auteur est de loin favorable à l'esprit des Lumières, face aux dérives actuelles des sociétés « arabes » qui explique et dénonce les rouages qui sont responsables de ce retour en arrière.
Falsifier pour mieux régner
Ouvrage facile à lire, mais qui ne convaincra que les personnes qui sont déjà persuadées de la dangerosité du complotisme. Introduction très efficace qui dénonce tous ceux qui tiennent un double discours et qui justifient les idées complotistes (ex : ils ont de bonnes intentions, c’est l’expression d’une révolte). On entre dans le sujet avec vigueur.
Ensuite l’auteur définit le complotisme qu’il qualifie de « crédulité bêlante qui se prend pour de l’indépendance d’esprit » ou de « noces de de la crédulité et de la paranoïa » ainsi que ses causes. Il convoque pour cela les explications anthropologiques, psychologiques, idéologiques. Il s’appuie sur de nombreux exemples connus et il essaye de montrer la perversité des idées complotistes. Il ne nie pas que de vrais complots existent, mais il rappelle en utilisant le philosophe Clément Rosset « rien de plus fragile que la faculté humaine d’admettre la réalité… le réel n’est admis que sous certaines conditions et jusqu’à un certain point : s’il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l’abri de tout spectacle indésirable ». Il y aurait donc une faiblesse cognitive humaine qui aurait tendance à privilégier les explications extraordinaires à la place de la simple réalité et qui mélangerait aisément, coïncidence, hypothèse et corrélation. Nos limites intellectuelles, nos innombrables biais cognitifs ainsi que les passions ou croyances qui nous dévorent suffisent à expliquer la puissance de la séduction qu’exerce sur chacun le complotisme. Ces analyses sont intéressantes, mais cet ouvrage me laisse sur sa fin car il lui manque une partie. Il aurait été utile de donner des pistes pour se prémunir des idées complotistes ou pour les combattre.
Pour ma part, je pense que le complotisme fonctionne comme une croyance. Il ne sert à rien de vouloir démontrer à quelqu'un que sa théorie est fausse, mais il est préférable de lui montrer que sa théorie pose encore plus de question qu'elle n'apporte de réponse et qu' au final elle ne résout rien, même si elle peut être séduisante.
L'école du cerveau
De Montessori, Freinet et Piaget aux sciences cognitives
De Olivier Houdé
Mardaga
Des théories de l'apprentissage à la neuro-éducation.
Pour améliorer les apprentissages à l’école il faut faire converger l’ensemble de ces approches fondées sur l’enfant, son élan vital, ses actions, sa curiosité, ses capacités d’adaptation, sa logique interne de raisonnement (Montessori, Freinet, Decroly, Binet, Piaget) ainsi que le contexte social (Vygotsky, Bruner, Skinner) et son cerveau finement exploré par les sciences cognitives par l’imagerie cérébrale. l'objectif principal de l'auteur n'est pas d'élever les neurosciences au rang de nouvelle science qui fait table rase du passé, mais de montrer les liens qui existent entre les théories de l'apprentissage de la nouvelle pédagogie et les neurosciences sans les opposer.
Entre Histoire et memoire
C’est un livre étonnant et beaucoup plus profond que je ne l’imaginais. Je pensais qu’il s’agissait avant tout d’un courageux témoignage, du regard que porte une descendante sur ses aïeux durant cette période si particulière que fut la seconde guerre mondiale en Allemagne. Bien sûr il s’agit de cela, mais bien plus encore.
Son ouvrage nous invite à ne pas nous perdre dans le labyrinthe de la mémoire, dans ses oublis, ses mensonges, ses replis et ses trop pleins. Elle essaye de trouver son chemin au travers des multiples traces du passé, de saisir le fil de la mémoire, une famille allemande ordinaire qui s’est laissé compromettre par le nazisme par opportunisme et tirer ce fil jusqu’à la génération de ses parents, jusqu’à elle. Mais elle croise cette enquête douloureuse avec un autre fil, celui de l’histoire et de l’après-guerre, de la reconstruction, des discours officiels et des différentes évolutions des peuples et des régimes politiques par rapport à ce passé honteux du nazisme en Allemagne bien sûr, mais aussi en France, en Autriche, en ex RDA, en Italie, en Hongrie, les pays baltes… En effet dans certains pays un « travail de mémoire » a été effectué pour éduquer les nouvelles générations et sortir de l’influence idéologique du fascisme en général, mais dans certains pays comme l’Autriche, l’Italie… ce travail n’a pas été entrepris et c’est pour cela que l’on voit ressurgir des dizaines d’années après des partis d’extrême droite qui manipulent l’histoire.
Cet ouvrage nous apprend deux choses : tout d’abord que les totalitarismes gagnent grâce à la passivité des « miltaufers » c’est-à-dire grâce à ceux qui par opportunisme marchent avec le courant. Enfin, l’Europe ne peut pas se construire si l’expérience du totalitarisme n’a pas été évacuée, digérée, si les mécanismes psycho sociaux qui poussent à devenir les complices des idéologies criminelles ne sont pas décryptés pour éviter de se laisser manipuler.
« Si comprendre est impossible, connaitre est indispensable »