Ludivine F.

Conseillé par (Libraire)
11 novembre 2020

Jardins envoûtants et amours impossibles

Carole Martinez découvre une vieille carte postale montrant une boiteuse, de dos, dans un village de Bretagne. Se sentant étrangement inspirée par ce personnage inconnu, elle décide de passer trois mois sur les lieux pour écrire son nouveau roman. Elle rencontre alors Lola, postière boiteuse elle aussi, qui lui parle d'un étrange événement survenu un peu plus tôt. Le mur séparant son jardin du cimetière s'est fissuré, laissant passer un puissant vent qui a envahi sa maison et a fait sauter les coutures de l'un des cœurs en tissu qu'elle garde dans son armoire et se transmettent de mères en filles. Ces cœurs contiennent des secrets qu'elles écrivent avant de mourir. Puisqu'il est à présent ouvert, Lola et Carole décident de plonger dans les confidences d'Inès Dolorès et découvrent une malédiction touchant toutes les femmes de cette famille, liée à des roses fauves au parfum si envoûtant qu'il provoque d'insatiables désirs... De semaines en semaines, alors qu'elles s'enfoncent dans ses écrits, cette histoire tourne à l'obsession pour la romancière tandis que Lola se transforme, à l'image de ses aïeules. Comme d'habitude, l'écriture de Carole Martinez est une merveille de poésie, puissante et évocatrice à souhait ! Elle imbrique avec brio ses éléments récurrents refaisant surface de générations en générations, sait distiller son mystère, joue habilement entre les frontières du réel et de la fiction. On parle de désir, d'amours cachés et impossibles, de revenants, de sauvagerie que l'on porte en soi. Tout simplement superbe !!

Conseillé par (Libraire)
9 novembre 2020

La clef du bureau ou la clef des champs ?

Diane est une employée modèle au bord du burn-out qui ne vit que pour son travail et jalouse une nouvelle collègue particulièrement performante, dont elle n'arrive pas, à son grand malheur, à égaler les compétences et le charisme. Alors qu'elle envisage de mettre fin à ses jours, ladite collègue lui confie son secret : une opération qui permet de mélanger son ADN à celle d'un lièvre d'Amérique afin de booster son organisme. Diane s'inscrit au programme sans hésiter. Dès lors, son corps se transforme, ses réflexes se font plus vifs, ses nuits plus courtes. Les souvenirs remontent de son adolescence, sa rencontre avec un mystérieux garçon passionné par les oiseaux, mettant volontairement sa vie en danger sur leur île pour une raison qu'elle ignorait, puis l'incendie. Alors que Diane pensait se replonger dans une vie professionnelle frénétique grâce à ses nouvelles capacités, la part de sauvage en elle se déploie et l'emmène dans une toute autre direction. A mi-chemin entre Kafka et le Lièvre de Vatanen, cette fable aux thèmes parfaitement actuels est un excellent moment de lecture doublé d'une réflexion pertinente sur la place du désir de performance dans notre vie. Les deux pouces en l'air pour ce premier roman de Mireille Gagné !!

Conseillé par (Libraire)
8 novembre 2020

Vivre à demi, s'abîmer, revivre

En 130 pages, Amanda Sthers ouvre en nous une immense brèche où s'engouffre tout entier son personnage, et l'on ressent tout ce qu'Alice ressent, on respire, on espère, on pleure et on rêve avec elle. A presque cinquante ans, Alice a le sentiment d'être une marionnette inanimée, oubliée dans un coin, dont plus personne, même pas elle, ne remue les fils. De son enfance dans le Nord, de ses premières rencontres avec des hommes qui voient en elle un jouet, de sa maternité survenue trop tôt, de sa fille qu'elle a tant aimée mais qui aujourd'hui rejette ce que représente sa mère, elle garde une amertume qui la ferme de plus en plus à la joie de vivre. Pourtant, un jour, le destin ("unmei") place sur son chemin Monsieur Akifumi, un masseur japonais, qui par quelques gestes délicats va réveiller le corps d'Alice et lui redonner l'envie d'être quelqu'un que l'on regarde, à qui l'on s'intéresse, et peut-être même, que l'on aime. Comment prolonger une intimité naissante lorsqu'on ne parle pas la même langue ? Comment revivre lorsqu'on a à peine appris à vivre ? Et si Alice se faisait des idées ? Pendant un an, bouleversée par cette rencontre, elle se plonge avec ardeur dans la culture nippone, apprend la langue, dévore les romans japonais. Enfin, un jour, malgré sa timidité, ses hésitations et sans aucune assurance de réciprocité, Alice commence une lettre pour Akifumi... L'écriture d'Amanda Sthers est d'une incroyable délicatesse, tout est émotion, ses mots nous gonflent le cœur et l'on n'a qu'une envie au sortir de cette lecture : prendre Alice dans nos bras. Lisez-le, offrez-le, c'est une perle !!

24,50
Conseillé par (Libraire)
2 novembre 2020

Tu fouleras loin, et moi au près...

Dans une bourgade de campagne norvégienne, on raconte qu'il y a des siècles sont nées deux siamoises avec un talent inouï pour tisser de merveilleux tapis représentant des scènes de légende. Emportées jeunes par la maladie, leur père investit tout son argent et ses biens les plus précieux pour fabriquer en leur honneur deux superbes cloches au son très particulier, qu'il offrit à la paroisse. Le temps a passé. Astrid Hekne, leur descendante, est une jeune femme vive d'esprit, indépendante, qui rêve de choisir sa vie. Et des choix, Astrid devra en faire, car les choses vont s'accélérer au village et dans son propre cœur. Kai, le nouveau pasteur, a pour ambition de moderniser le culte. Leur église traditionnelle, abîmée par le temps et bien trop petite, ne correspond plus selon lui à ce que doit être une Maison de Dieu aujourd'hui. De son côté, Gerhard, un étudiant en architecture allemand a été dépêché par son Académie pour croquer sous tous les plans cette fameuse "église en bois debout", savant mélange de chrétienté et de symboles de la vieille religion norroise. Déjà rachetée par la Reine de Saxe, elle doit être démolie puis reconstruite à l'identique à Dresde, pour être exposée en tant que chef-d’œuvre historique. Reste la question des cloches, car Astrid refuse que ce trésor familial soit séparé de sa terre. Ce roman passionnant se lit d'une traite et nous transporte dans une ambiance de mystères et de grand froid, idéal pour la période hivernale ! Un très beau texte sur la tradition et la modernité, sur l'attachement à son histoire et sur l'amour, qui revêt bien des formes et se prouve de bien des manières. Calez-vous sous un plaid et lancez-vous !!

Conseillé par (Libraire)
6 octobre 2020

Ce que l'on gagne et ce que l'on perd

Kit Meinem d'Atyar, un architecte doué et prolifique, est mandaté par le gouvernement pour entreprendre la construction d'un pont gigantesque reliant Procheville et Loinville. Cela pourrait être un jeu d'enfant, mais il y a une difficulté, et non des moindres... Les deux cités sont coupées par une mer de brume dans laquelle évoluent d'immenses poissons et surtout des géants qui, dit-on, sortent certains jours d'orage et seraient capables de raser une ville entière. De cette mystérieuse étendue de brouillard, certains ne reviennent jamais. Le projet est ambitieux, mais Kit s'attelle à la tâche, aidé par les habitants qu'il apprend petit à petit à connaître. Parmi eux, Rasali Bac et son neveu Valo, des passeurs, dont le métier consiste à transporter sur leurs bateaux des voyageurs et des marchandises en évitant les dangers cachés par la brume. Le pont promet de changer radicalement la vie de tous. Mais certains mélancoliques savent que cette entreprise amènera aussi des pertes. A mesure que la construction avance, Kit réalise, au contact des villageois, l'ampleur de l'aventure et toutes les réflexions qu'elle couve sur leur mode de vie. L'écriture est incroyablement poétique et immersive dans ce court récit très efficace. Les thèmes abordés le sont avec intelligence et sensibilité, on observe par ailleurs un traitement des personnages sans aucun cliché, diversité amenée de manière subtile et agréablement surprenante. Un grand bravo pour Kij Johnson !!