Mademoiselle Sauvage
EAN13
9782280816250
ISBN
978-2-280-81625-0
Éditeur
Harlequin
Date de publication
Collection
Création pour reprise (474)
Poids
178 g
Langue
français
Langue d'origine
anglais
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Mademoiselle Sauvage

De

Harlequin

Création pour reprise

Indisponible

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Prologue

La Nouvelle-Orléans, 1831

André Leblanc se tenait sur le quai au milieu de barriques, de caisses, de jarres et d'un océan de bagages. Quelle mouche avait bien pu piquer le capitaine du port de permettre à deux grands bateaux à aubes du Mississippi, le Delphinius et le Cher Mignon, de débarquer ensemble leurs cargaisons et leurs passagers, sur les quais bondés d'une foule bruyante venue accueillir des parents ou des amis ? Parmi eux circulaient aussi des voleurs à la tire, entremetteurs et voyous de spécialités diverses. Tout ce monde se pressait de tous côtés autour de Leblanc et le modeste négociant en chevaux regrettait d'avoir laissé son serviteur partir devant, avec son bagage. Il se démanchait le cou en tous sens, espérant voir arriver son client avant d'être dévalisé... ou pire encore.

Il finit par apercevoir Philippe Girard, dominant la foule de la tête et des épaules et suivi d'une meute de gamins des rues qui hurlaient à qui mieux mieux, pour lui proposer leurs services.

— Non, je ne veux pas que vous portiez mes bagages, trouvez-moi plutôt un fiacre, si vous voulez vous rendre utiles ! leur répondait avec impatience le jeune créole, en rejoignant celui qui l'attendait.

On appelait « créoles » ces descendants de colons français qui s'étaient installés en Louisiane à partir du XVIIe siècle. Bien que Napoléon avait vendu le territoire aux Etats-Unis pour quatre-vingts millions de francs en 1803, on y parlait toujours le français, près de trois décennies plus tard.

— Fichez le camp, tas de petits voyous, surenchérit Leblanc en menaçant les gamins de sa canne, avec laquelle il faisait des moulinets au-dessus de leurs têtes. Nous n'avons pas besoin de vos services !

Lorsque la petite bande fut dispersée, il se tourna vers son jeune client.

— Quelle honte ! lui dit-il avec force. Je parie que la moitié au moins de ces vauriens devrait être à la charge des bonnes sœurs, à l'orphelinat.

Philippe l'écoutait à peine.

— Ils n'ont pas encore débarqué Cavalier ? demanda-t-il avec impatience.

— Non, mais cela ne devrait pas tarder. Attendez un peu de le voir, monsieur Girard. C'est le plus bel étalon, dans au moins cinq paroisses à la ronde, il est puissant et plein d'énergie. Je vous le dis, depuis que j'achète et que je vends des chevaux, je n'en ai jamais vu de pareil.

— Je l'espère bien, lui répliqua sèchement Philippe. Au prix que vous me demandez, il doit être en or massif !

Leblanc eut un rire un peu contraint et Philippe lui dédia un sourire ironique.

— Allons, Leblanc, ne faites pas cette tête. Vous avez bien mérité votre commission. Et puis, vous n'avez fait que ce que je vous demandais : je voulais Cavalier, vous me l'avez vendu, tout est bien qui finit bien.

Le négociant ouvrit la bouche pour parler, mais un hennissement terrifié lui coupa la parole.

Extrait d'une soute obscure du Cher Mignon par des mariniers qui l'amenaient à la coupée, le superbe palomino qui répondait au nom de Cavalier paraissait extrêmement nerveux.

D'une voix mal assurée, l'homme qui lui tenait la bride lui murmurait des mots sans suite pour tenter de le rassurer, sans s'apercevoir que lui-même tirait un peu trop nerveusement sur la longe.

Après son long séjour dans une cale obscure, ébloui par la lumière aveuglante du soleil, le grand alezan refusait obstinément d'avancer sur la planche étroite par laquelle il devait débarquer. La bride tendue lui meurtrissait la bouche et le mettait en rage. S'arrêtant net sur la planche de coupée, l'étalon se mit à ruer furieusement, à un mètre au-dessus du fleuve, hennissant de colère et de peur, tout en balançant dangereusement ses sabots en avant. Pris de panique, le marinier sauta à l'eau.

Sur le quai, personne ne bougeait plus. Tous ceux qui étaient là regardaient, fascinés, le cheval devenu fou. Seul Philippe réagit. Fendant la foule, il s'avança rapidement vers Cavalier.

Tout en parlant doucement pour calmer l'animal et s'efforçant d'éviter les coups de sabots meurtriers, il se pencha pour reprendre la longe. La bouche écumante, l'animal terrifié souffla et hennit de plus belle. Tanguant dangereusement sur la planche étroite, il fut près de renverser Philippe, d'un coup de sa lourde tête.

Mais assurant son équilibre du mieux qu'il le pouvait, Philippe tenait fermement la longe, en grimaçant de douleur, car le chanvre tressé lui meurtrissait cruellement la paume de la main et il se tenait les pieds solidement campés sur la planche.

C'était une épreuve de force et de volonté entre l'homme et la bête. La mâchoire du jeune créole était serrée, dure comme du granit. Il était déterminé à gagner la bataille. Bien que grand et mince, il était solidement bâti. Les épaules larges, les muscles gonflés sous son gilet bien coupé, il luttait pied à pied pour reprendre le contrôle de l'animal. Son chapeau était tombé dans le fleuve et la sueur collait ses mèches brunes sur son front tanné par le soleil, tandis que ses yeux sombres restaient fixés sur l'animal qu'il essayait de dominer.
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