L'aigle aux ailes brisées
EAN13
9782352870777
ISBN
978-2-35287-077-7
Éditeur
Archipoche
Date de publication
Collection
Bibliothèque du collectionneur (08)
Nombre de pages
151
Dimensions
17,8 x 11 cm
Poids
136 g
Langue
français
Code dewey
804
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L'aigle aux ailes brisées

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Archipoche

Bibliothèque du collectionneur

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Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-3528-7471-3

Copyright © Archipoche, 2008.

1

ÉTRANGE ÉVASION À ROCHEFORT

Le sourd raclement des sabots de bois sur les pavés, par dizaines, ne pouvait passer inaperçu. Encadrés par une escouade de soldats en armes, enchaînés deux par deux, des forçats en habit vert ou brun défilaient sous les fenêtres de la Corderie royale. Géraud ne put s'empêcher de lâcher son ouvrage pour les regarder.

Et puis, il faisait si chaud en ce 2 juillet... Deux semaines, déjà, s'étaient écoulées depuis que l'empereur avait été vaincu à Waterloo. Triste 18 juin 1815...

— Le Pécœur vient d'accoster avec la marée, remarqua Pierre, le peigneur1 avec qui Géraud travaillait. Ces bougres-là vont décharger un nouvel arrivage de chanvre. Il était temps. Nous n'avions plus que deux jours de réserve pour les commandes de cordages destinés aux « services du port ».

Sans grande conviction, Géraud se remit de lui-même au travail. Séparer dix à douze heures par jour les longues fibres végétales qui serviraient à confectionner des filins de toutes les grosseurs n'était pas une tâche attrayante pour un garçon de onze ans. Pierre comprit que son apprenti avait plus envie de prendre l'air que de confectionner des lignes d'amarrage, des ralingues (à coudre au bord des voiles) des aussières ou des grelins2 pour les mâtures3... Il lui proposa :

— Gars, si tu le veux, puisque nous n'avons plus trop à faire ici à deux, va-t'en donc aider à la réception de la marchandise.

— Tout de suite ! Merci, Pierre.

Le garçon aux yeux clairs ne se fit pas prier davantage. Revigoré, il rassembla la brassée de fibres crissantes sur le coin de l'établi fixé le long du mur, pour passer dans l'atelier des fileurs. C'était là qu'on les tressait pour en faire des cordelettes.

Parmi la dizaine d'ouvriers et de « petites mains », il y retrouva Rolande, sa jumelle, plus blonde que lui, qui débarrassait les queues de chanvre de leurs impuretés, la chènevotte4.

Il salua les hommes affairés et déposa sa charge. Puis il réquisitionna sa sœur :

— Viens. Suis-moi. C'est Pierre qui m'envoie. Le nouveau chargement est à quai. On va y donner la main.

— J'avais deviné, au tapage que font les forçats. Seulement, il faut que je demande l'autorisation à maître Paul qui reviendra d'une minute à l'...

— Viens, père te l'accordera, comme d'habitude.

Il lui prit la main et l'entraîna. L'esplanade descendait en pente douce vers la Charente, au long de laquelle s'amarraient les navires qui remontaient les méandres depuis l'Atlantique.

Le frère et la sœur s'immobilisèrent et, main en visière, cherchèrent leur père.

Comme de nombreux enfants, Géraud et Rolande étaient apprentis à la Corderie royale de Rochefort. Leur embauche avait été d'autant plus aisée que, depuis une vingtaine d'années – depuis 1793 pour être précis —, la formation pouvait débuter à l'âge de huit ans, et que leur père était le contrema ître très apprécié des peigneurs.

Ils le repérèrent en grande conversation avec un maître cordier et l'écrivain de l'emp... l'écrivain du roi, chargé de réceptionner et d'enregistrer les marchandises.

Ah ! Il fallait faire attention ! Napoléon ne régnait plus. On devait s'habituer à remplacer en toute circonstance le terme « empereur » par celui de « roi ». Louis XVIII retrouvait son trône. Il devenait dangereux de l'oublier !

— Père, se permit d'intervenir Géraud dès qu'il le put sans déranger, nous venons aider à la répartition, sur demande de Pierre.

— C'est bien, mes enfants, c'est bien. Cependant, n'approchez pas les forçats. Vous attendrez à l'écart, près de l'entrepôt, afin de ne courir aucun risque. On ne sait jamais, il y en a de violents.

Ceux-ci étaient bien encadrés et surveillés par les argousins et les gardes-chiourme. Et, en vérité, depuis 1766 qu'on les avait introduits à l'arsenal pour les tâches lourdes et rebutantes, il y avait eu assez peu d'incidents.

— D'accord, père. Nous nous tiendrons hors de portée.

Pourtant, ce n'était pas l'envie qui manquait à Géraud d'approcher ces fascinants prisonniers devenus, pour certains, de vrais fauves. Le garçon aurait aimé savoir quels étaient leurs crimes, par exemple. À combien d'années ils étaient condamnés. Ce qu'ils étaient avant, quels métiers ils avaient exercés et s'ils avaient des familles. Sa sœur n'avait pas cette curiosité. Elle les trouvait grossiers, malodorants et répugnants.

1. Peigneur : personne qui peigne des fibres textiles.

2.Lignes d'amarrage, ralingues, aussières, grelins : cordages divers.

3.Mâture : ensemble des mâts d'un navire.

4.Chènevotte : partie du chanvre que l'on enlève pour ne garder que l'écorce.
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