Conseils de lecture

Petit traité de métaphysique animale

Jean-françois Beauchemin

Québec Amérique

16,00
Conseillé par (Libraire)
27 janvier 2024

Les émerveillements de l'âme

Quelle splendeur que ce texte de Jean-François Beauchemin, écrivain québécois qui nous avait déjà procuré tant de frissons et d'émotions avec son Jour des Corneilles ! Ici, nous ne sommes pas dans un roman, ni dans un essai, non plus dans un recueil de poésie, mais dans un peu des trois à la fois. Une sorte de journal intime de l'auteur, à la fois très simple et immensément spirituel, où l'on accueille le temps qui passe dans la joie. Cet ouvrage se lit tout en douceur, on le picore, il nous accompagne à petits pas discrets. Chaque paragraphe est un rayon de soleil sur la peau, une belle nuit propice au vagabondage de l'esprit ou la vue apaisante d'un paysage de campagne à l'aube.
Surtout, ce livre est peuplé de la présence des animaux : chiens, chats, oiseaux, renards, âne, chevaux, porc-épic, écureuils, tant de compagnons auprès de qui Jean-François Beauchemin chemine, s'émeut et s'élève. Des âmes sœurs, des amis, et assurément des égaux. A ces créatures qu'une part de la société considère comme moins évoluées que l'humain, l'auteur trouve au contraire une vie intérieure riche et lucide, des songes mystérieux, une capacité d'empathie à nulle autre pareille, une présence fascinante au monde. Le chien Camus philosophe, le chat Scooter est un poète dans l'âme et un intransigeant critique littéraire, Rêveur le vieux cheval contemple avec tranquillité la fin de sa vie.
La prose de Jean-François Beauchemin et son amour si joliment exprimé pour la vie nous réchauffent le cœur. Un pied dans le réel, l'autre dans le monde des rêves, l'auteur nous conduit en quelques tournures inspirées vers un lieu où s'épanouit le sublime. Ses mots résonneront encore longtemps après la lecture. A mettre dans toutes les mains, ce livre est un vrai trésor !


22,00
Conseillé par (Libraire)
27 janvier 2024

"Mon sous-marin jaune", le dernier livre ultra magnétique de Jon Kalman Stefansson, éclaire magnifiquement l'œuvre puissante et mélancolique de l'auteur islandais d'"Asta", "Ton absence n'est que ténèbres" ou "Lumières d'été, puis vient la nuit" (ces titres !).
Un écrivain, probablement Jon, traîne dans un parc londonien quand il y aperçoit Paul MC Cartney, le héros de son enfance. Commence alors une vertigineuse et fantasque exploration d'une mémoire qui nous emmène de la Mésopotamie au 5s av JC, à la petite ville de Keflavik dans les années 80 en passant par ce parc londonien et les immensité islandaises. Il y sera question du désarroi d'un enfant auquel les mots ne seront jamais trouvés pas son père pour dire la mort de sa mère. Il y sera question d'un Dieu vengeur, méchant et un peu trop porté sur la bière, il y sera question de routes perdues qui mènent à des fjords sublimes et de l'empathie d'une bande de fantômes qui consolent un petit garçon réfugié dans un cimetière avec le chien de la ferme. Et surtout, il y a ces quatre garçons dans le vent qui accompagnent amicalement un petit garçon dans une vieille Trabant, car nous avons "ce désir à la fois douloureux et puéril de trouver un havre de paix, un lieu où on est en sécurité, un univers parallèle où les contraintes et les mauvais coups du monde ne nous atteignent pas"


9,20
Conseillé par (Libraire)
24 janvier 2024

A qui reviendra le trône d'automne ?

Ivalie vit seule dans le château d'Evergrey depuis ses neufs ans. Devenue une jeune femme, elle s'est accommodée à sa solitude. Son père est parti en guerre il y a longtemps pour ne plus jamais revenir, quant à ses domestiques, elles ont disparu ou sont décédées. Mieux vaut ne pas avoir de compagnie de toute manière, quand on est une "belle à mourir", une fille maudite, dont la vue du visage provoque une folie meurtrière. Ivy porte en permanence un masque et passe ses journées à parcourir les recoins secrets de son manoir et à s'instruire dans les livres. Un jour, une étrange créature fait irruption. Il s'appelle Le Gentilhomme, ou Puck, ou encore Robin Goodfellow. Il informe Ivy qu'un Sacre aura bientôt lieu au palais de la Reine d'été Titania, en présence des souveraines d'hiver et du printemps. Le trône d'automne, vacant depuis la disparition du Roi Gris, doit retrouver une dirigeante. Ivalie, bien qu'illégitime, est sa dernière héritière en vie, elle doit y participer. D'abord réticente, notre héroïne se voit propulsée à la cour au cœur d'épreuves cruelles, de jeux de dupes et d'alliances précaires. Mais elle découvre aussi tout ce que son isolement l'avait empêchée de voir. Le sort des Boglings, les esclaves des feys, créatures à oreilles de lapin, queues de reptiles ou cornes de bouc. La fragile survie des royaumes, déséquilibrés par le manque d'une souveraine. Les merveilles rendues possibles par l'Art, forme de magie pouvant agir sur la matière ou sur l'esprit. Le temps est compté, Ivalie doit faire ses preuves pour monter sur le trône d'Evergrey, qui lui revient de droit, et peut-être ramener un peu de justice dans les royaumes immobiles, corrompus depuis longtemps par d'incessants complots et prospérant sur l'asservissement des plus faibles. La bataille sera rude et impitoyable. Ce roman est une magnifique surprise, une féérie envoûtante aux personnages ambigüs, on a été attrapées dès les premières pages pour ne plus pouvoir en sortir avant la dernière ligne !


Éditions de l'Observatoire

23,00
Conseillé par (Libraire)
11 janvier 2024

La dure loi du clan

La première lecture de la rentrée littéraire de janvier est un grand "oui" !! Ce roman traduit du suédois nous emmène au cœur de la forêt primitive de Finlande du Nord où sept sœurs rousses élevées comme des guerrières et des sauvageonnes décident de vivre en autarcie à la mort de leur père, le très célèbre chasseur d'ours, et de leur mère avec qui elles entretenaient une méfiance réciproque. Les filles Leskinen ont leurs règles bien à elles, elles forment un clan. Le paternel l'a toujours dit, certaines personnes sont à éviter absolument : la police, les services sociaux, les universitaires et surtout les autres hommes. Sa descendance chassera l'ours comme lui et ne se mêlera sous aucun prétexte à la population. Pas d'études, pas de téléphone portable, pas d'échanges avec la ville. La vie des sœurs est remplie d'odeurs de tabac, de litres de bière noire, de baignades dans le lac, de cueillette, de chasse et de bagarres à mains nues. Mais au plus froid de l'hiver, lorsque la faim leur tiraille l'estomac, lorsque les dissensions menacent l'autorité auto-proclamée de l'aînée, chaque membre se rend compte de la prison que peut constituer cette organisation familiale et cette existence précaire. Comment exister individuellement dans ces conditions ? Et ce père adulé, toujours maître de leur vie même après son trépas, détenait-il vraiment la vérité sur le monde ? Un récit maîtrisé aux personnages fascinants et ambivalents. On est happées par le destin de ces jeunes femmes ivres de liberté, féroces, indomptables, fragilisées malgré toute leur force par la maltraitance et l'emprise, en quête d'un peu de lumière et de leur propre voie ! Excellent !!


22,00
Conseillé par (Libraire)
25 novembre 2023

"Comment tu t'appelles, fiston ?"

L'uns des non moindres vertu de la lecture du beau "Le dimanche du souvenir", de Darragh McKeon est de nous rappeler que les conflits nationalistes #guerresciviles se finissent toujours, quelque soient les solutions trouvées, mais qu'en revanche, le mécanisme mortifère qui consiste à enfermer son voisin dans une identité détestée laisse au fond des coeurs des uns et des autres, des traces traumatiques indélébiles.
Simon Hanlon, architecte d'origine irlandaise, vit à New York et subit de nouveau des crises d'épilepsie après des années tranquilles. Il avait 15 ans et habitait l'Irlande du Nord quand la première crise est apparue, juste après un attentat commis par l'IRA, en novembre 87, dans sa ville natale d'Enniskillen, ou 11 personnes furent tuées et 63 grièvement blessées.
Quelques jours avant, le jeune Simon, campant sur une ile du lac de Lough Erne, avait surpris des membres de l'IRA en planque "Comment tu t'appelles, fiston ?", l'interroge l'un d'entre eux, Brendan. S'il avait parlé, il aurait peut-être évité cet attentat. Il deviendra épileptique. Avec une grand maîtrise de la construction romanesque, Darragh McKeon, bascule la deuxième partie de son roman autour du personnage de Brendan, jeune paysan aspirant à une vie simple et heureuse, et qui, révolté par l'intransigeance cruelle de Margaret Thatcher avec les grévistes de la faim républicains, finira par laisser grandir en lui la haine de l'autre. Le personnage de Brendan est vu à travers les yeux de Simon, et c'est dans ce chemin fait par "la victime" vers "le coupable" que le roman de Darragh McKeon trouve une bouleversante et necessaire universalité.